Il y a chutes et chutes !


    1) Souvent les plus dangereuses : les barrages et les passages artificiels

  Un barrage peut, plus souvent que ne le fait une chute naturelle :

-         Tirer de l'amont, ce qui peut rendre le saut obligatoire, à partir d'une certaine approche, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner. La nécessité de savoir virer de bord et gagner la rive en bac est alors évident pour éviter le saut hasardeux... encore faut-il en être capable !

-         Rappeler sur une certaine longueur et sur tout ou partie de sa largeur. Le rappel ramène constamment l'eau, et ce qu'elle transporte, sous la chute, seules les masses d'eau plus profondes étant évacuées vers l'aval. L'eau du rappel, très émulsionnée, contient donc de l'air et sa densité est très inférieure à 1, c'est de l'eau blanche. En conséquence elle porte mal, le bateau est moins bien porté dans ses lignes et se retourne plus facilement, le nageur n'est plus porté et sa nage n'est plus efficace même avec un gilet. Une noyade, même sans rappel marqué vers le pied de la chute, est tout à fait possible !

-         Rappeler par des veines latérales de direction contraire au courant principal qui peuvent ramener insidieusement sous la chute d'eau.

-         Présenter un radier en pied de barrage, où les bateaux chavirent et peuvent se briser.

-         Etre en mauvais état et provoquer un coincement dans ou au pied de la chute.

 

          L'importance du débit
 

 

1  Lorsque le barrage est en pente (déversoir), l’eau s’écoule normalement en bas de la chute et il n’y a pas de risque quand le débit est faible.


2  Le même passage peut devenir dangereux lorsque la rivière est en crue ou en hautes eaux bien que la différence de niveau entre l'amont et l'aval soit plus faible. L'eau ne s’écoule vers l’aval qu’en partie basse. Un courant de surface ramène inexorablement le nageur de surface vers l’amont, c’est le rappel et le risque de noyade est important.

 

 


Le barrage constitué par le décrochement rocheux de la photo ci-contre est déjà dangereux mais il devient redoutable avec un niveau d’eau plus important parce qu’on risque de le voir trop tard. Un barrage très bas peut être aussi dangereux qu'un barrage haut, voire même plus dangereux, car on le distingue moins bien de l’amont alors que le rappel est encore plus puissant. C'est la quantité d'eau et son degré d'émulsion qui font le danger.

 

Un barrage peut se franchir, toujours après reconnaissance pédestre, si un membre du groupe l'a déjà sauté lors de précédentes sorties et reconnaît que les conditions sont les mêmes. On peut aussi admettre le saut lorsqu'il est reconnu possible par le responsable du groupe. Dans ces deux cas, celui qui passe le premier est celui qui a pris la responsabilité et Ies autres bateaux attendent la fin complète du passage. Le saut est prohibé si le moindre rappel se présente ou si l'eau est émulsionnée (blanche) au pied du barrage, ou pour tout autre raison laissant planer un doute. Le saut d'un barrage n'est pas un exploit. Quiconque sait diriger un bateau peut le réussir. L’abstention, si l'on n'est pas sûr à 100% des bonnes conditions de franchissement, est la solution impérative.

Pour un franchissement à pied par la rive, le responsable du groupe qui a reconnu le barrage choisit  un point d'accostage favorable et attend les bateaux qui se présentent un à un et sont hissés sur la berge.

Le passage à la corde peut être envisagé si le lieu s'y prête et si chaque bateau est muni de bosses suffisamment longues à chaque extrémité (plus de 10 mètres). L'autre grave danger est l'obstacle en plein courant formé par des bouchons de branches ancrés sur des souches, ou des troncs barrant la rivière. L’obstacle doit être reconnu et son passage traité comme celui d'un barrage.

 

Ce qu’il faut absolument retenir :


-  Ne jamais s’engager dans le bras de dérivation menant vers un barrage ou un moulin et passer par le lit naturel de la rivière.
-  Pas d'embarquement sur une rivière en crue sauf si l'on est accompagné par un pratiquant expérimenté familier de l'endroit, même sur petite classe.

-  Pas d'approche d'un pied de barrage, après rembarquement, mais éloignement sûr et rapide.

-  En cas de tentative de sauvetage, tout homme pénétrant dans un rappel ou une zone branchue doit être solidement encordé.

 

Le barrage à clapets

Ces barrages permettent de maintenir le niveau d’eau nécessaire à la navigation et à l’alimentation éventuelle en eau pendant toute l’année. Les barrages à aiguilles sont remplacés maintenant par les barrages à clapets. Dernier cri de la technique, ces barrages peuvent retenir jusqu’à 6 à 7 m d’eau sur une portée de 20 à 30 m. Un pertuis, barré par une plaque d'acier, est aménagé dans un barrage. Cette plaque va basculer vers le fond du lit jusqu'à se coucher sur celui-ci, à l'horizontal. Elle peut, entre sa position de repos verticale et cette dernière position, se caler à toute inclinaison intermédiaire, de manière à régler finement le débit vers l'aval pour soulager l'amont en crue. Dans toute position inclinée intermédiaire, la masse d'eau rebondit sur le fond du lit qui a été aménagé en conséquence, et le mur d'eau qui se produit par rebondissement avant écoulement est absolument infranchissable. La mort est assurée pour le pagayeur égaré. Le franchissement lorsque la plaque est posée au fond est envisageable. A noter que la plaque peut fonctionner et devenir inclinée à tout moment, en quelques minutes parfois.

 

Sur les grands fleuves, signalisation ou pas*, il est important pour la sécurité de ne pas s’approcher des barrages à clapets en amont, qu’il y ait ou non du courant, et en aval pour être certain d’être nettement en dessous de la zone de rappel. Les deux photos ci-dessous prisent de l’aval et de l’amont montrent un barrage à 3 clapets sur la Seine. Il est difficile, voire impossible pour un non initié de réaliser que la passe centrale est mortelle à 100% alors que celle rive gauche ne présente pas de véritable danger si ce n’est le risque de prendre un bon bain. La raison en est que le clapet de la passe centrale est sensiblement relevé provoquant un rappel redoutable, alors que celui rive gauche est pratiquement baissé laissant l’eau s’écouler librement vers l’aval.     

       *celle-ci est parfois inexistante,                                                            

Vue de l’amont                                                                    

Vue de l’aval

La position du clapet peut changer en quelques instants et a une influence déterminante sur la façon dont l’eau s’écoule. Il ne faut pas s’approcher de ce genre d’ouvrage même si les clapets sont complètement relevés et qu’il n’y a pas de courant car la position du clapet peut se modifier à tout instant et de façon inattendue pouvant rendre le passage dangereux voire mortel.

                                     

 

 

1 Le clapet (en noir) est généralement motorisé par un vérin alimenté par une micro-centrale hydraulique*. Ce vérin travaille en tirant et peut positionner le clapet avec une grande précision. Télécommandé à distance, le clapet peut passer de la position 1 à la position 2 (ou l’inverse) en quelques minutes.

 

 

La position intermédiaire 2 est extrêmement dangereuse en raison d’un rappel très important. Une embarcation qui se laisserait entraîner dans cette zone en venant de l’amont ou de l’aval serait irrémédiablement prise dans le rappel sans aucune chance d’en sortir.  C'est la mort certaine.

 

 Lorsque le clapet est en position basse 3  la rivière retrouve son cours naturel. Le barrage à clapet n'est plus dangereux.

 

* La motorisation est parfois assurée par un treuil à chaîne

 


     
2) Généralement les chutes les moins dangereuses : les obstacles naturels

 

Les chutes naturelles


Une chute naturelle est généralement moins dangereuse qu'un barrage artificiel. Le passage d'une chute est plus une acrobatie qu'une figure. Une chute doit toujours être reconnue avec soin au cas où il y aurait une barre rocheuse ou un rappel dans la zone de réception. Bien qu'une chute naturelle soit dans la grande majorité des cas beaucoup moins dangereuse qu'un passage artificiel il faut être extrêmement vigilant. Lors de la présentation en haut d’une chute, basculer votre corps vers l’arrière en tirant vos genoux vers le haut et en levant vos bras. En procédant ainsi, l’embarcation arrive obliquement ou même à plat en bas de la chute et ne pique pas profondément dans le remous diminuant ainsi les risques d’accident si la pointe se plantait dans le fond de la rivière. Newton nous a appris que si l’on tombe de 6m au lieu de 2m, on n’arrive pas en bas 3 fois plus vite mais ‘’seulement’’ 1,73 fois plus vite. Si l’on devait rencontrer une barrière rocheuse immergée à la réception, l’énergie provoquée par le choc serait par contre, 3 fois plus importante. Le cale-pied qui joue un rôle d’amortisseur sur les kayaks ne peut en aucun cas emmagasiner une telle énergie. Quand on lit les commentaires de Josef Haas dans son magnifique livre  La Corse un paradis de l’eau vive,  on ne peut s‘empêcher de penser à l’importance de l’expérience dans la descente des rivières sportives de très haut niveau.

 

Sur les rivières pour kayak extrême et à partir d’un certain niveau de difficulté, particulièrement dans les très hautes chutes, la définition de l’expérience faite par Detoeuf dans O. L. Barenton Confiseur, et dont j’ai pu vérifier le bien-fondé dans le domaine industriel n’est absolument plus valable*.  Concernant le saut des hautes chutes, il n’y a pas de petites erreurs; une erreur est toujours une grosse erreur et la plupart du temps elle ne peut pas être répétée  (tassement de vertèbres, fracture des membres inférieures).

On doit s'abstenir de sauter quand on a un doute et c’est la seule attitude raisonnable à adopter.


*
La véritable expérience est secrète. Elle naît des petits incidents de tous les jours, des erreurs répétées, des petits succès renouvelés qui, par leur nombre, marquent les lois auxquelles se soumet l’habitude. Elle n’est pas pensée, mais vécue.      Detoeuf

Il faut une grande expérience pour décider de sauter une chute comme celle de la photo ci-dessous...

 

Commentaires de Josef Haas dans 

"La Corse un paradis de l’eau vive",
    à propos de la chute verticale ci-contre
.

 

En lisant Josef  Haas, on comprend que ce qui fait l’expérience dans ce domaine est un intime contact avec la rivière, un esprit d’observation aiguisé et un moral à toute épreuve.

Seul  "voler est plus beau", certes, mais renoncer est aussi une forme de courage, comme en alpinisme.

   

3) Les autres obstacles :

 

- Les siphons et les drossages

 

- Les risques de cravatte

 

4) Les autres risques

Les coincements
Ils peuvent se produire contre un rocher lorsque la pointe avant du bateau est bloquée en bas d’une chute, contre un arbre tombé en travers de la rivière, dans un siphon ou un drossage creux.

 

Les  chocs : Le visage  doit être protégé contre ceux-ci par un casque

Le froid : Risque d’hypothermie, dans l’eau froide la température du corps diminue très vite

Les crues : Une crue augmente le risque de rappel

Le vent : Il peut déséquilibrer la pagaie et augmente la fatigue sur les longs parcours lorsqu’il souffle de face

Les autres bateaux
Pieux ou amas de branches au milieu de la rivière