Extrait du Monde du 10 mars
La qualité de l'eau est
l'un de ces sujets lancinants que chaque gouvernement trouve dans sa
corbeille, à son arrivée, et qu'il transmet à son successeur sans avoir résolu
le problème.
A son tour, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a adopté en conseil des
ministres, mercredi 9 mars, un projet de loi sur l'eau.
L'objectif affiché est que
la France ait « d'ici dix ans, une eau de
totale qualité dans la nature », a indiqué Serge Lepeltier, ministre de
l'écologie. Paris, très en retard dans ce domaine, tente ainsi de respecter la
législation européenne.
L'eau est un exemple de
confrontation brutale entre intérêts économiques et impératifs de protection
de D'environnement et de la santé. La majeure partie des pollutions (nitrates
ou pesticides) est d'origine agricole. Même si elles sont moins touchées que
la Bretagne, véritablement sinistrée sur ce plan, la plupart des régions
agricoles connaissent ce problème.
Au point qu'il est souvent
difficile de respecter les normes minimales de qualité de l'eau du robinet.
Or la pollution par les pesticides est d'autant plus préoccupante que de
nombreuses incertitudes subsistent autour des effets, sur la santé humaine, de
l'ingestion pendant une longue période d'une eau polluée.
Cet antagonisme fondamental
renvoie chacun, et le président de la République lui même, à ses propres
contradictions. Il y a d'un côté le Jacques Chirac converti à l'écologie, qui
impose à son propre camp l'intégration dans la Constitution d'une charte de
l'environnement. Et, de l'autre, le président en symbiose avec le monde agricole, qui tient à conserver
ces liens anciens avec un électorat de droite traditionnel, même si son poids
numérique ne cesse de diminuer.
Cette contradiction se
retrouve dans le texte lui-même, qui prévoit
non pas de limiter les sources de pollution mais de renforcer la politique de
dépollution. Paradoxe : pour l’essentiel, les mesures envisagées ne
toucheront pas les agriculteurs. Pour limiter les effluents agricoles, M. Lepeltier compte sur la nouvelle politique agricole commune européenne, qui
lie l'octroi d'aides publiques au respect de l'environnement.
Dans le domaine de l'eau,
le principe pollueur-payeur ne s'applique guère. Les agriculteurs, qui
polluent beaucoup, paient très peu. Or le projet ne leur impose aucune nouvelle
taxe. La taxation sur les nitrates des élevages industriels a été abandonnée,
conformément aux promesses de campagne du candidat... Chirac en 2002. En outre,
le projet conserve le mode de financement très inégalitaire des agences de
l'eau, chargées de la dépollution. Selon M. Lepeltier, les ménages devraient
contribuer à leur budget pour 82 %
(contre 86
aujourd'hui) et les agriculteurs pour 4 % (1 % aujourd'hui).
Les plus optimistes verront
dans ce projet une modeste étape pour disposer un jour d'une eau saine.
Mais
il y a plus de raisons de juger que ce texte n'est pas à la hauteur de
l'enjeu, qu'il pérennise une situation choquante et ne responsabilise toujours
pas les pollueurs.
Conclusion :
Cette étude nous montre une nouvelle fois que la France grand consommateur
mondial de pesticides n'est pas épargné par cette dramatique pollution. Avec
1,7 % de la surface agricole utile en bio soit 98,3%
des
surfaces en agriculture polluante en ajoutant les jardins des particuliers, les
espaces verts... la France est le plus mauvais élève de l'Europe. Une évolution
des consciences dans ce pays est encore nécessaire !
Tous les citoyens conscients doivent se mobiliser pour sortir la France
de cette impasse, cette mobilisation passe par une évolution dans nos
comportements sur le plan de nos modes de vie, de production et de
consommation. Cette évolution doit s'accompagner d'une action dans
le domaine collectif de la "gestion de la cité". Il est nécessaire
que des objectifs ambitieux et des moyens conséquents soient discutés et
définis démocratiquement pour avancer vers une décroissance rapide de
l'utilisation des pesticides et donc d'un développement plus rapide de
l'agriculture biologique et paysanne.
Il serait évidemment possible qu'en 10
ou 15 ans l'agriculture biologique et donc durable soit le mode de production
agricole majoritaire en France. Cela paraît encore énorme, mais pourtant cela
sera possible lorsqu'une majorité de citoyens de ce pays le décidera.