Energies renouvelables contre biodiversité

 

Les nouvelles directives européennes viennent de fixer à la France deux objectifs apparemment contradictoires, sauvegarder la biodiversité d'une part et développer les énergies renouvelables d'autre part. Les barrages hydroélectriques qui fournissent la quasi-totalité de l'énergie propre sont naturellement concernés par ces directives. Certes les grands barrages à retenue importantes fournissent une électricité bon marché, mobilisable aisément lors des "pointes" de consommation et permettent trop peu souvent il est vrai, avec les "lâchers d’eau", de descendre des parcours qui sans eux seraient à sec en été. Il est exacte que l'eau est une source renouvelable et propre, qui ne dégage pas de gaz à effet de serre contrairement aux centrales thermiques auxquelles l’on a parfois heureusement moins recours en période de pointe et il est vrai également que la quasi-totalité de l'énergie renouvelable de notre pays (plus de 90%) est assurée par ces barrages hydroélectriques. Les quelques 500 ouvrages hydrauliques importants français construits en France principalement au milieu du siècle dernier représentent l'équivalent de 5 réacteurs nucléaires de 900 mégawatts. Pour importante qu'elle soit en valeur absolue cette puissance représente à peine plus de 10% de l'électricité nationale.

Cette production est à l’évidence faible en regard des conséquences importantes sur l'équilibre écologique des cours d'eau qui en résulte.  Réaliserait-on enfin que certains barrages hydroélectriques sont un obstacle aux poissons migrateurs tels que l'anguille et le saumon ?, qu’ils empêchent la migration des saumons vers l’amont et la descente du touriste nautique vers l’aval ?

Sur l’Allier, leur démolition, qui a été reportée depuis très longtemps, semble maintenant devenue irrémédiable pour certains d'entre eux. La construction d'un barrage bloque l'écoulement des sédiments, fait varier brutalement les débits en aval de celui-ci au détriment de la sécurité et empêche ou freine la migration des poissons.

 

La France, en accord avec une directive européenne, a pour objectif de doubler la part des énergies renouvelables dans sa production d'électricité à l’horizon 2010, soit de porter ce pourcentage à 20% en lieu et place des quelques 10% actuels. Vouloir confier à l’éolien l'essentiel de cette progression du fait de l'impossibilité de trouver de nouveaux sites pour les grands barrages dans l'espoir de limiter la génération de gaz à effet de serre relève probablement de l’utopie. Ce n’est pas la puissance des éoliennes lorsque le vent souffle à l’optimum qui est en cause. La meilleure preuve est bien la Hollande qui a développé à grande échelle la production d'énergie positive basée sur les éoliennes et est, de tous les pays européens, le plus mauvais élève en terme de production de gaz à effet de serre type dioxyde de carbone. Cette situation paradoxale s'explique par le fait qu’en l’absence de vent ce pays plat, sans grand barrage hydroélectrique, n'a actuellement pas d'autre solution que d'assurer sa production électrique par des turbines à gaz lorsque le vent fait défaut ce qui est trop souvent le cas.

Au moment où les concessions de 75 ans attribuées à l’EDF viennent à échéance progressivement, il devient indispensable et urgent d’arrêter de penser uniquement en terme d’hydroélectricité ou d'éolien pour augmenter la part des énergies renouvelables. Ces procédures de renouvellement, ouvertes maintenant à la concurrence, vont durer environ 3 ans.

On conçoit que les pêcheurs et les écologistes se soient mobilisés contre l'ultime verrou pour les saumons que constitue le barrage de Poutès-Monistrol sur l'Allier. Il est temps que leur vœux soient exaucés et que ce barrage voûte soit démantelé afin de rendre à la rivière son caractère naturel et au saumon son lieu de ponte. Cette démolition serait une suite logique à la démolition du barrage de Saint-Etienne du Vigan où l'Allier a retrouvé son charme naturel.  Elle permettrait aux saumons d'atteindre les meilleures frayères situées en amont et ces zones de galets où ils se reproduisent. Le saumon a vu ses effectifs fondre de 99% depuis 1890.

Lorsqu'il choisit la rivière au fleuve en arrivant au Bec d'Allier, il ne se doute pas qu'il va être bloqué en se dirigeant vers ses frayères, une centaine de km en amont par les 17 mètres du barrage de Poutès. Sur une rivière qui coule souvent loin des villes, et relativement  propre comme l’Allier, les barrages sont clairement identifiés comme la première cause du déclin du saumon devant la pollution. C'était la richesse de la vallée, on venait le pêcher de partout, témoignent les habitants de la région qui rêvent de "pêcher de nouveau le saumon avant qu’il ne soit trop tard". Ils sont tout naturellement opposés au renouvellement de la concession du barrage octroyée à l’EDF il y a environ 75 ans et qui est arrivée à échéance en 2007. En supposant que les saumons « passent » un peu au barrage de Poutès en raison des améliorations qui lui ont été apportées, soit vers l’amont à l’aide de l’ascenseur à poisson, soit vers l’aval lorsqu’ils utilisent le toboggan pour leur voyage vers la mer, l'obstacle constitué par le barrage freine incontestablement leur progression. Même bien équipés, les barrages sont autant d'obstacles qui retardent le jeune saumon dont le temps est compté1) et qui n’a qu’un mois et demi pour atteindre la mer, avant que la température de l'eau ne s'élève trop et qu'il s'asphyxie en juin dans les estuaires. Evoquer la pêche et le fait que la démolition du barrage priverait la commune de la taxe professionnelle qu’elle retire de son existence sont autant de mauvaises raisons qui relèvent d’un certain mépris pour la rivière et son écosystème. A chaque barrage, le saumon hésite entre l'eau qui court vers les turbines et le filet d’eau qui l'amènera sain et sauf au toboggan. En final, bien peu des jeunes saumons déversés artificiellement en amont dans les salmonicultures survivent.

Le touriste nautique est également concerné par ces décisions, il souhaiterait pouvoir descendre l'Allier, une des dernières rivières française à courir loin des villes, de Langogne au bec d'allier à bateau chargé. Il souhaiterait que l'on cesse d'évoquer le fait que la production d’énergie renouvelable d’origine hydraulique pourrait diminuer sensiblement si l’on augmente le débit qui doit rester dans la rivière (débit réservé). Particulièrement en période de basses eaux. Ces propos prouvent selon lui un mépris flagrant pour l’écosystème constitué par la rivière.

 

La France aura gagné en partie sa bataille pour la biodiversité 2) lorsque le saumon (salmo trutta

) pourra remonter l'Allier jusqu'à Langogne et le touriste nautique la descendre à bateau plein sur plus de 300km de Langogne au bec d'Allier son confluent avec la Loire, et pourquoi pas sur près de 1000 km avec les jeunes smolts jusqu'à la mer.

 

« La meilleure salmoniculture, c'est assurément une rivière vivante et libre"

 

 

1) Dans le cas des très longues rivières comme la Loire, le succès des repeuplements dépend totalement de la capacité physiologique des très jeunes saumons (smolts) à effectuer la très longue migration de dévalaison et à s’adapter au milieu marin. La qualité de l'eau à l'arrivée, c'est à dire dans l'estuaire de Saint Nazaire joue également un rôle important pour le jeune saumon en début de croissance.

 

2)   La première a été engagée et gagnée par Jacques Chirac avec l'ajout à notre constitution de la charte de l'environnement,

La deuxième par l'ancien Président de la FFCK qui l'a malheureusement presque perdue avec le barrage sur le Rizzanese.

La troisième véritable bataille pour la biodiversité va être tenue fin juin 2009. Elle a commencé sous l'action de Roberto Epple il y a plusieurs mois

La quatrième bataille visant à arrêter de mutiler nos rivières avec les barrages au fil de l'eau ne fait que commencer.

 

L’AIFCK et www.rivieres.info remercie chaleureusement les Lutins protecteurs de notre environnement qui participent à ces batailles et ceci qu'ils soient naturalistes, Présidents de fédération de pêche ou de SOS Loire vivante, médiateur scientifique, ou plus simplement membre de WWF